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Champ libre : C’était pourtant si simple…

Il l’a fait…le président Trump a mis sa menace de tarifs à exécution. Pourtant, il ne peut y avoir de gagnant dans une guerre tarifaire. Si des pays commercent entre eux, c’est parce qu’ils ont quelque chose à y gagner, et donc nuire au commerce, c’est se nuire à soi-même. Adam Smith, économiste et père de la science économique contemporaine, nous l’avait appris en 17761.

Les propos exprimés dans cette chronique n'engagent que son auteur.

Prenons un exemple fictif où un important pays importateur imposerait un tarif de 20 $/tonne sur le blé. Plusieurs effets s’ensuivraient. Pour un prix mondial initial de 300 $/tonne, les importations seraient confrontées à un prix en vigueur de 320 $/tonne, ce qui créerait un avantage comparatif artificiel pour les producteurs locaux. Cette situation pourrait encourager un déplacement des ressources agricoles vers la production de blé.

Le marché mondial pourrait réagir par une baisse des prix, possiblement jusqu’à 280 $/tonne (de sorte que prix + tarif = 300 $/tonne). Cette baisse affecterait négativement non seulement les producteurs des pays exportateurs, mais aussi l’ensemble des producteurs mondiaux.

Bien que les producteurs locaux puissent initialement tirer profit de cette mesure protectionniste, une analyse complète doit considérer l’ensemble de la chaîne de valeur agroalimentaire. Le blé étant un intrant majeur pour de nombreuses industries de transformation, l’impact final sur l’économie nationale dépendra aussi des effets sur ces industries et les consommateurs finaux.

Tableau 1


Dans ce cas-ci, bien que les producteurs agricoles locaux jouissent d’un prix de base plus élevé grâce au tarif, les transformateurs locaux ainsi que les consommateurs vont payer plus cher pour leurs biens tirés du blé. Ces hausses de coûts seront d’ailleurs supérieures aux revenus du tarif, car les exportateurs se tourneront vers d’autres marchés lorsqu’ils le pourront. Les pays exportateurs auront certes un prix plus faible pour les biens de consommation, mais tout cela au détriment d’un prix plus faible aux producteurs et de turbulences des chaînes d’approvisionnement en plus de devoir chercher de nouveaux marchés. Cet exemple fait évidemment fit des variations de taux de changes.

Les plus petits pays importateurs seraient probablement ceux qui s’en sortiraient le mieux. Ils profiteraient d’un blé moins cher pour leurs producteurs, certes, mais aussi pour leurs transformateurs, et de biens moins chers pour leurs consommateurs. De plus, ils auraient la latitude d’imposer certains tarifs à leur tour qui leur permettraient de générer des revenus tarifaires.

Nous assistons à une baisse probable du dollar canadien qui va engendrer une hausse du coût d’importation des biens et intrants. Nous imposons des contre tarifs à l’endroit de notre plus grand partenaire commercial qui viendront créer d’autres distorsions de marché. Modifier nos chaînes d’approvisionnement prendra du temps. D’ici là, le prix des intrants agricoles importés va augmenter et affectera la rentabilité du secteur agroalimentaire. Le tout en causant du tort aux consommateurs qui peinent à se remettre de l’inflation alimentaire dont ils ont été victimes depuis la fin de la pandémie, et ce, des deux côtés de la frontière.

1 An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, W. Strahan and T. Cadell, London, 1776
Photo : iStock.com | Jeffengeloutdoors.com

Pascal Thériault

Pascal Thériault est agronome et dirige le programme de gestion et technologies d’entreprise agricole au Campus Macdonald de l’Université McGill.

Pascal Thériault est agronome et dirige le programme de gestion et technologies d’entreprise agricole au Campus Macdonald de l’Université McGill.