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Pesticides : éviter la politique de la table rase

Voici une lettre, reflétant l’opinion de La Coop fédérée, qui a été diffusée dans La Presse du 17 février 2020.

La Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles de l’Assemblée nationale a réalisé l’automne dernier un mandat d’initiative visant à examiner l’impact des pesticides sur la santé publique et l’environnement.

Il faut saluer l’intérêt des parlementaires pour l’agriculture et l’agroalimentaire québécois. À ce titre, nous saluons la contribution récente de l’Ordre des agronomes du Québec, qui a soumis un rapport pour modifier les pratiques de rémunération de la profession.

Dans ce débat, certains commentateurs et parlementaires ont affiché leur préférence pour une agriculture alternative illustrée par des fermes plus modestes engagées dans la production biologique de petits élevages, de fruits et de légumes, vendus dans les marchés de proximité. Ce type d’agriculture a certes sa place et doit être encouragé, ce à quoi s’est engagé le gouvernement avec sa récente politique bioalimentaire. Mais il ne faut pas tenter d’imposer à l’ensemble de la société et au monde agricole des pratiques, des normes et des comportements qui s’y appliquent. Si l’on devait satisfaire avant tout cette vision, on nuirait à plus de 95 % de l’agriculture québécoise.

Les Québécois sont très attachés à la ferme familiale respectueuse de produire une grande variété d’aliments sains à prix largement compétitifs en appliquant des technologies avancées et des pratiques qui minimisent les impacts sur l’environnement. Ils veulent aussi que les entrepreneurs agricoles puissent vivre dignement de leur travail.

Nos concitoyens s’inquiètent également des dommages causés aux cours d’eau, de la qualité des sols dans quelques régions et de la présence potentielle de résidus de pesticides dans des fruits et légumes.

Et c’est là que nous interpellons le gouvernement. Une offre alimentaire de qualité et abordable permet d’acheter des produits du Québec et du Canada plutôt que ceux importés, où il est bien souvent impossible de connaître les pesticides utilisés.

Certes, nous avons besoin de réaliser de nouvelles avancées dans l’utilisation plus modérée et plus rationnelle des pesticides. Mais avant d’interdire ou de restreindre l’utilisation de ces produits, comme certains le suggèrent, il faut intensifier la recherche de solutions de rechange.

Nous ne partons pas de zéro. Le risque sur la santé associé aux produits de synthèse utilisés en agriculture a diminué de 71 % par rapport à 1984 selon les données du ministère de l’Agriculture. Des mesures simples sont envisageables tel l’établissement des bandes riveraines qui réduit le risque de déversement des fertilisants et de pesticides dans les cours d’eau. Il faut voir à une application plus rigoureuse de cette norme et introduire des mesures incitatives pour les producteurs.

D’autres options se développent, notre division agricole, Sollio Agriculture, y travaille ardemment. Pensons à l’agriculture de précision, à la gestion parasitaire intégrée et à l’enregistrement satellitaire des données sur la fertilisation… Oui, il faut intensifier les efforts, mais nous n’avancerons à rien en pratiquant la politique de la table rase.

Dans tout ce débat, certains commentateurs et intervenants suggèrent que le statut de l’agronome-conseil devrait être revu, pour distinguer les droits de pratiques entre agronomes œuvrant en entreprises de ceux qui sont considérés comme indépendants.

Depuis près d’un siècle, les entrepreneurs agricoles se sont donné un réseau de coopératives qui constitue probablement le plus important employeur d’agronomes-conseils présents dans les champs. Ces derniers offrent leur expertise aux entrepreneurs agricoles et les conseillent en toute indépendance. Leur loyauté est d’abord et avant tout tournée vers les producteurs membres et le succès de leur entreprise.

Des liens de confiance et de respect mutuels se développent au fil des ans entre nos agronomes et nos membres. Ces liens sont à la fois sains et essentiels au transfert technologique vers les fermes. Le choix de leur conseiller doit être laissé aux producteurs qui sont les mieux placés pour décider ce qui est bien pour eux, et aucune réforme d’envergure ne saurait porter de fruits sans la mobilisation et la collaboration de ceux qui, chaque jour, se lèvent pour nourrir le monde.

Nous sommes fiers des résultats obtenus à ce jour dans l’amélioration des rendements agricoles et la réduction des effets indésirables sur l’environnement. Maintenant, poursuivons nos efforts pour diminuer l’empreinte environnementale de l’agriculture moderne en mobilisant tous les acteurs concernés par le changement.

Stéphane Forget

Stéphane est vice-président principal, affaires coopératives, institutionnelles et développement durable à La Coop fédérée.

stephane.forget@sollio.coop

Stéphane est vice-président principal, affaires coopératives, institutionnelles et développement durable à La Coop fédérée.