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Chroniques / Faits et gestes

Réveil?

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On exagère bien peu en affirmant que c’est dans un contexte de relative indifférence populaire que se sont réunis les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en décembre dernier à Nairobi, au Kenya, pour la 10e Conférence ministérielle du cycle de Doha.

Les ambitions étaient modestes, tout comme les résultats atteints. Soyons clair : ceux-ci ne sonnent en rien le réveil de l’OMC.

Évoquant l’élimination des subventions à l’exportation, le directeur général de l’OMC, le Brésilien Roberto Azevêdo, n’était pas peu fier : « C’est le résultat le plus important qu’ait obtenu l’OMC en ce qui concerne l’agriculture. » Vrai que, compte tenu de la quasi-stagnation de la dernière décennie, à sa place on se serait aussi bombé le torse. Entre autres, l’entente met fin aux subventions à l’exportation, selon un éventail d’échéances : immédiatement, pour certains pays, alors que d’autres auront jusqu’en 2023 pour les éliminer. Le Canada, la Suisse et la Norvège ont apparemment trimé dur pour obtenir un sursis, soit jusqu’en 2020.

Ce n’est pas sans importance pour l’industrie laitière canadienne. Dans sa dernière notification à l’OMC, le Canada a déclaré quelques dizaines de millions de dollars de subventions à l’exportation de produits laitiers, notamment de la poudre de lait écrémé et des fromages. L’exportation de ces produits ne sera plus permise d’ici cinq ans, une mesure qui affectera environ 1 % de la production laitière canadienne. Il s’agit d’un autre caillou dans le soulier, qui s’ajoute à l’érosion des volumes découlant de l’accord Canada-Europe, du Partenariat transpacifique (PTP) et de la frontière passoire.

Deux questions surgissent. Faut-il attendre d’autres surprises de la part de l’OMC? Et, plus globalement, d’autres accords commerciaux sont-ils susceptibles de heurter le secteur?

D’abord, à propos de l’OMC. Malgré l’entente de Nairobi, le cycle de Doha bat de l’aile. Les discussions portant sur les enjeux agricoles les plus épineux – le soutien interne (subventions aux producteurs, par exemple l’ASRA) et l’accès aux marchés – sont engluées. Et rien n’indique de quelconques progrès à venir. On peut difficilement en attendre davantage de la part d’une organisation qui continue de traiter la Chine comme un pays en développement, à l’instar du Brésil, une des principales puissances agricoles. Il faut aussi constater à quel point le monde a changé depuis le lancement du cycle de Doha, en 2001. La nouvelle donne inclut l’avènement du commerce électronique, l’amélioration notable des technologies de transport et la perte d’intérêt pour le multilatéralisme, supplanté par l’essor des accords bilatéraux et régionaux, à la sauce PTP. L’OMC demeurera un forum prioritaire pour le règlement des différends commerciaux, mais son étoile restera bien pâle à l’égard de l’avancement des négociations commerciales. Bref, l’officialisation éventuelle de l’échec de Doha ne surprendra personne.

Parallèlement, que peut-on appréhender des autres accords commerciaux que le Canada conclura? L’économie canadienne, au modèle essoufflé, a grand besoin de canaux d’exportation préférentiels. Le Canada négocie présentement avec l’Inde, probable prochaine vedette économique, ainsi qu’avec une dizaine d’autres pays. Seulement, la pression que ces éventuels accords sont susceptibles d’exercer sur le système canadien de gestion de l’offre n’est nullement comparable à celle du PTP ou de l’Europe. Dans l’ordre, les principaux exportateurs de produits laitiers sont la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne et les États-Unis, des pays avec lesquels nous avons déjà des ententes commerciales. Qu’en est-il de la volaille et des œufs? Tout au long de la négociation du PTP, la pression exercée par les États-Unis est demeurée très faible. C’est tout dire.

L’éléphant dans la pièce demeure l’enjeu des ingrédients, amplifié par la déconcertante porosité de la frontière canado-américaine. Espérons qu’au moment de la publication de ce billet, les producteurs sauront – enfin – à quoi s’en tenir. Quoi qu’il en soit, il est temps de voir le verre à moitié plein. 

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Vincent Cloutier

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.

 

vincent.cloutier@sollio.coop

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.