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Chroniques / Faits et gestes

La collision

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En soi, le débat sur l’accaparement des terres se rapporte à la diversification des sources de capital en agriculture. Dans la quasi-totalité des secteurs d’activité économique, l’apport de capital externe est bienvenu, voire incontournable pour la poursuite des affaires.

En agriculture, il provoque une collision. Une collision de valeurs où des enjeux économiques et idéologiques se rencontrent. Pas simple.

Plus personne ne s’étonne qu’une entreprise agricole embauche de la main-d’œuvre externe, souvent même en grand nombre. Dans le même esprit, on observe un nombre croissant d’entreprises agricoles où les décisions de gestion sont partagées entre les propriétaires et des gestionnaires salariés. Au fil du temps et du développement des entreprises, la main-d’œuvre externe et la gestion salariée ont graduellement fait l’objet d’acceptation tacite. La taille des entreprises, leur complexité et le resserrement inexorable des marges ont naturellement alimenté ces mutations.

L’arrivée de certains investisseurs en agriculture peut impliquer un apport de capital que l’on qualifiera ici d’« externe ». Chez nous, hormis certaines transactions de terres agricoles, peu d’exemples existent. La production à forfait de porcs ou de veaux, où l’entreprise agricole ne possède pas les stocks d’animaux, n’en est qu’une timide expression. Pour les uns, l’incursion du capital externe en agriculture constitue une évolution naturelle, voire une occasion de croissance. Elle peut même s’inscrire dans une stratégie de gestion des risques de l’entreprise. À l’autre extrémité du spectre, elle en fait sourciller plus d’un.

Les statistiques sont têtues : de très nombreuses entreprises agricoles de petite taille appartiennent à des gestionnaires avançant en âge. Leurs actifs changeront de main au cours des deux prochaines décennies. Raisonnablement, les vendeurs souhaiteront obtenir la juste valeur des biens vendus. En parallèle, des investissements importants sont requis dans un grand nombre d’entreprises pour s’adapter aux réalités de production modernes. Bref, pour transférer les actifs à la prochaine génération et investir dans les technologies et infrastructures de l’avenir, les besoins en capitaux seront grands.

L’auto-investissement et l’emprunt bancaire, sources de capital traditionnellement priorisées en agriculture, suffiront-ils à combler les besoins en capitaux du monde agricole au cours des prochaines années? Tout dépendra, principalement, de la vitesse de consolidation et de l’évolution de la valeur des actifs. Il serait périlleux de tenter de prédire si, à l’échelle québécoise, des sources de capital externe deviendront une nécessité mathématique.

Il demeure que pour certains (qui ne se cachent pas pour le dire), des sources de capital externe représentent des occasions de développement bienvenues. Pour d’autres, l’arrivée de ce type de capital constitue un affront au modèle d’entreprise agricole traditionnellement dominant. La rencontre de ces deux courants prend la forme d’une collision entre des valeurs, avouons-le, difficilement conciliables. À l’évidence, on est loin de l’approbation dont la main-d’œuvre externe et la gestion salariée ont graduellement fait l’objet au fil du temps.

Vincent Cloutier

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.

 

vincent.cloutier@sollio.coop

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.